De la crèche comtoise à la crèche de Gabriel Saury

Commémorons le 800e anniversaire de la crèche de saint François d’Assise avec cette crèche de Besançon (25).

La crèche de Gabriel Saury (1911-1978) est réalisée en 1950 suite à une commande des Soeurs de la Charité de Besançon. Elles demandent au jeune artiste qu’elles aident et soutiennent de réaliser une crèche pour le foyer de jeunes filles dont elles s’occupent. Gabriel Saury est un artiste des dernières décennies du XXe siècle, il mériterait d’être mieux reconnu. Il obtient de nombreuses commandes de l’Eglise de Besançon, acquise aux avancées modernes de l’art sacré.

Ce sont quarante-cinq figurines réalisées en terre cuite peintes et vernissées qui ont entre 8 à 30 cm de hauteur. Outre les figurines traditionnelles de la crèche (Marie, Joseph, les Mages, le bœuf, l’âne, le berger), vingt-cinq anges constituent le cortège céleste : anges musiciens, anges en prière, anges porte–cierge.

L’artiste rend hommage aux actions menées par les Sœurs de la Charité de Besançon et créé à partir des types de personnages qui ont marqué la vie du quartier.

Les personnages de la crèche de Gabriel Saury

Marie, majestueuse, tout en intériorité, Joseph jeune homme juvénile, heureux Papa qui ne cesse d’admirer l’Enfant avec tendresse.

On rencontre « La Tine » une pauvresse, sans abri qui superpose ses robes lui donnant un aspect de borne tronconique.

Le Daniel’s, le truculent Barbizier jouant du fifre entrainant chacun dans des danses et chansons. C’est Marcel Thévenin, menuisier rue du Grand Charmont, « maire des Chaprais ». Il propose au Père Charles de monter la crèche de Battant. Durant vingt ans, sont organisées chaque année et pour quatre séances, des représentations en patois réunissant la paroisse, les habitants du quartier.

Le chanoine André Charles (1911-1983), natif de Pont de Roides, est nommé en 1951 curé de l’église du quartier, Sainte Marie-Madeleine. Durant l’Occupation, il est l’un des chefs de la Résistance dans le secteur du Haut-Doubs. Homme actif, il parcourt le quartier durant vingt ans. Gabriel Saury le représente tenant le chapeau rond et portant le camail (petite pèlerine), vêtement de chanoine.

Tout droit sorti du livre de Léon Cathlin « Faits divers », le mendiant cul de jatte, Fred Acrottu, rivalise de vitesse avec les automobiles de l’avenue Siffert , grâce à ses deux fers à repasser et sa caisse aux roues lubrifiées.

Le gamin dit Bousbot est le surnom donné aux habitants de Battant. L’expression fait référence à la résistance que les vignerons du quartier ont opposé à la tentative de la prise de la ville par les protestants luthériens. Dans la nuit du 20 au 21 juin 1575, ils avancent sur le quartier et pour effrayer les habitants, tiennent des pieux sur lesquels sont plantés des crapauds. La contraction « bous » (pousser ou repousser) et « bots » (crapauds) donne naissance aux Bousbots et reste au fil des siècles symbole de la résistance du quartier. Le Bousbot, c’est maintenant des gamins de Battant et du Petit Battant qui parcourent le quartier sautant grimpant jouant à travers les rues et n’hésitant à faire quelques bêtises.

Saint François d’Assise souhaite célébrer Noël au milieu des gens de la montagne d’une manière sensible et scénique pour illustrer son prêche et fait reconstituer une crèche vivante dans le village de Greccio vers 1223.

Gabriel Saury le représente entouré d’oiseaux évoquant le célèbre « Sermon fait aux oiseaux » relaté dans un des Fioretti, un florilège de courts chapitres racontant les différents épisodes de la vie de saint François d’Assise. Un texte savoureux qui mélange anecdotes et récits merveilleux. Le sermon aux oiseaux est le plus célèbre et a été représenté de nombreuses fois.

Gabriel est le neveu du peintre Gaston Simoès de Fonseca, peintre brésilien naturalisé en 1907, il a une formation de graphiste et de publicitaire. Les formes des figures s’apparent aux illustrations des albums pour enfants que Gabriel Saury a peut-être illustrés comme graphiste et illustrateur.  Des traits ronds, vifs, une ligne graphique claire qui ne s’encombre pas de détails, ligne que l’on retrouve dans les bandes dessinées, un visage pomme d’api proche des dessins de Bécassine et de Tintin. Des personnages simples et naïfs, humbles, avec un regard parfois caustique. Des mains comme les visages restent très expressifs, des membres disproportionnés qui participent à l’expressivité : joie, contemplation, attendrissement, prière, ravissement….

Pascale Bonnet. Commission diocésaine d’art sacré de Besançon.


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