La crèche comtoise

Découvrons la crèche comtoise à l’occasion de ce 800e anniversaire de la crèche de saint François d’Assise.

En 1793, le 22 décembre est donnée une nouvelle représentation de la crèche comtoise. Ce spectacle de marionnettes de tradition orale joué en patois existe durant tout le XVIIIe siècle dans le quartier populaire de Battant. A l’annonce de l’arrivée de l’Enfant-Jésus, les habitants accourent pour lui rendre hommage : « C’est le peuple de Besançon qui vient rendre hommage à l’Enfant-Jésus ». Supportée par l’Ancien Régime, la crèche est interdite par la République. Le spectacle renaît sous la terreur le 1er Nivôse an II sous la direction du citoyen Landriot mais est à nouveau supprimée. Les rapports de police marquent l’année de la renaissance de la crèche en 1799.

Tous les représentants de la société bisontine sont mis en scène et se réunissent devant la crèche. Les premiers arrivés devant la Nativité sont Barbizier, un ouvrier viticole au franc parler accompagné de sa femme, la Naitoure, et de son compère Verly. Contestataire, goguenard, frondeur, Barbizier est vêtu de la tenue de la confrérie de Saint-Vernier, patron des vignerons. Il s’attribue le titre de gardien pour éviter que « quelqu’un vienne faire des insultes à ce divin Enfant. ». Il en profite pour brocarder chacun : les acquéreurs de biens nationaux, les politiciens, les hommes de loi et leur avarice, les limites de la médecine pour les pauvres. Mais il rend compte des conditions de travail des vignerons, des difficultés du petit peuple du quartier : « le pain si cher, mal vêtus, mal nourris, mal hivernés ».

La crèche est dite en patois en réaction au français officiel imposé depuis la Conquête de la Franche-Comté en 1674 par Louis XIV. Les petits gens parlent patois, les habitants du centre ville utilisent le français et participent aux fêtes et bals donnés par l’intendant français.

Le programme des représentations de Joseph Landriot de 1799 à 1800 se déroule dans un décor semblable à la grotte de Bethléem. Dans le fond, une vue de la ville de Besançon dominée par la Citadelle et plus loin la colline de la chapelle des Buis, Barbizier  tient le rôle de maitre de cérémonie, le compare Verly, le racle-cheminée (ramoneur), la Vieille, la Coquette, le Frère Etienne viennent faire leur adoration. D’autres personnages sont éconduits. Un chant, Gloria in excelsis, puis l’Adoration des bergers, les mages, le sermon de la crèche en patois dans une église et la procession générale sur une place de la ville.

La crêche garde quelque temps son caractère frondeur et est jouée jusqu’en 1865. Date à laquelle l’abbé Bailly publie un texte qui cristallise la pièce dans une version immuable ne tolérant aucune improvisation et interdisant toute allusion politique. La Crêche devient un spectacle pour patronage avec des personnages, les marionnettes disparaissent.

Marie, Joseph et Jésus sont contemporains des vignerons, vivent avec eux en famille. Une proximité de relations qui n’exclut pas le respect, la tendresse, l’amour. La vie des vignerons de Battant est liée à celle des saints, c’est une foi simple, une espérance.

Barbisier, Verly et la Naitoure s’inclinent pour adorer l’Enfant : « Ho ! qu’il fait beau dans ce lieu ! on voit bien que c’est notre Dieu, notre Sauveur et notre prince, qu’est ici couché dans le foin. Lui qui a des milliers de provinces Est réduit dans un petit coin….Puisque vous venez ici pour nous Faudrait être fou, acariâtre Qu’en aimer un autre que vous ».


Zoom sur les personnages clefs

Une procession clôt le spectacle avec dans l’ordre où chaque communauté religieuse, paroissiale défilent derrière leurs bannières, leur croix processionnelle, en habits avec chape. Monseigneur le cardinal archevêque sous le dais précède la société civile avec le Parlement, l’Université, le Présidial, le bailliage, les magistrats, en habits de cérémonie, le peuple, les confrères de la Croix ou pénitents et un dernier escadron de soldat à cheval ferme la procession.  

Barbisier : ….ma pauvre bonne sœur, ayez soin de tous vos malades, mais surtout des pauvres vignerons. …ces médecins me disaient toujours : Diète, diète. Savez-vous bien que diète ne remplit pas la panse. Je prenais mes pots de tisane, je leur jetais à la tête….Mais bonne soeur Angélique me disait toujours : Allons Barbisier, prends patience, voici une cuisse de poulet, une fiole de vin…J’étais maigre comme une tuile de bois quand j’entrai dans cet hôpital, mais avec les bons soins de cette bonne sœur Angélique, quand j’en sorti, un peu plus il aurait fallu ouvrir la grande grille, de la panse que j’avais pris…(extrait : acte II scène III)

La coquette : Fais place…

Barbisier : Qui êtes-vous pour parler de la sorte ? … Viens-tu ici pour adorer le Divin Sauveur, ou viens-tu pour l’insulter ? Déguerpis, et au plus vite, car ta mise mondaine ne fera qu’irriter le bon Jésus, la dame Marie et puis sire Joseph.

La coquette : Laisse-moi passer…

Barbisier : …..Mon Dieu, …..Te voici bien avancée maintenant, pauvre drôlesse ! Plaise à Dieu que tous les orgueilleux soient accommodés de la sorte (extrait de : Acte II scène X).

Toutes les marionnettes présentées viennent du musée comtois de la Citadelle de Besançon que nous remercions pour le partage de ces photographies.

Pascale Bonnet. Commission diocésaine d’art sacré de Besançon.


En savoir plus :

Créé en 1946 par l’abbé Jean Garneret et installé depuis 1960 à la Citadelle, le musée comtois collectionne près de 200 marionnettes dont beaucoup sont issues des différentes crèches comtoises qui se jouent durant tout le XIXe siècle. De 1973 à 2016, la Compagnies des Manche à balais reprend la crèche comtoise avec des marionnettes placées sur de longs manches en bois. La collection de la compagnie se trouve dans une des salles d’exposition permanentes du musée Comtois.


Les dernières actualités des EGPR :