Éditorial

La France est riche d’un patrimoine religieux qui, par sa quantité, sa qualité et sa diversité, est le deuxième plus important au monde après l’Italie. Il est, de ce fait, l’objet d’une véritable « passion nationale » qui, de Journées européennes du patrimoine en Nuit des églises et de visites guidées en collectes pour sa restauration, ne cesse de mobiliser les foules les plus mêlées. L’émotion manifestée lors de l’incendie de Notre-Dame de Paris en avril 2019, de même que les réactions à chaque dégradation – volontaire ou accidentelle – d’édifice religieux redisent invariablement l’attachement profond des Français à ce patrimoine spécifique.

 

Sur les près de 45 000 édifices protégés au titre des Monuments historiques, un tiers sont des lieux de culte catholique. Le ministère de la Culture atteste par ailleurs, que plus de 80% des 300 000 objets mobiliers classés ou inscrits sont des objets religieux, souvent conservés dans les églises paroissiales de nos campagnes. A ce titre, cathédrales, églises et chapelles constituent le premier musée du pays !

 

Rien d’étonnant dès lors à ce que notre patrimoine religieux constitue l’un des atouts majeurs de la France en termes d’attractivité touristique. Imaginez en effet – c’est impossible, mais faites un effort ! –, imaginez la France sans le Mont-Saint-Michel, sans Notre-Dame de Paris (on a bien failli…), sans la basilique de Vézelay ni les cathédrales de Chartres et de Rouen, et leurs sœurs d’Amiens, de Reims et de Strasbourg ; imaginez la France sans les basiliques de Fourvière à Lyon et Notre-Dame-de-la-Garde à Marseille ; sans Sainte-Cécile d’Albi ou la cathédrale du Puy-en-Velay, sans le monastère de Sénanque et l’abbatiale de Conques, sans oublier les sanctuaires de Rocamadour, Lourdes et Lisieux… Je n’évoque même pas le Sacré-Cœur et la Sainte-Chapelle pour revenir à Paris, ni les chemins de Compostelle qui doivent traverser un département français sur quatre. Enfin, imaginez l’hexagone sans ses dizaines de milliers de clochers anonymes qui impriment leur caractère si typique aux « villages français » ! Pour le dire d’un mot : sans son patrimoine religieux, la France ne serait pas la France… et l’Eglise de France ne serait pas la même, non plus !

 

Car ces édifices de pierre, renommés ou non, sont certes les témoins de savoir-faire ancestraux, d’incontestables vitrines de talents artistiques et une belle carte postale de la France mais ils s’avèrent surtout être les reflets d’une foi qui a puissamment irrigué les populations durant des siècles jusqu’à aujourd’hui encore. Ces édifices de pierre sont les hôtes d’édifices vivants : les communautés chrétiennes.

 

Tout trésor qu’il puisse être, ce patrimoine n’est pas sans poser aujourd’hui de sérieuses questions, surtout aux collectivités propriétaires qui peinent à l’entretenir alors que dans le même temps son usage cultuel – ce pour quoi il a été conçu – se raréfie. Un récent rapport d’une mission d’information sénatoriale sur l’état du patrimoine religieux français s’en est fait l’écho.

 

Pour aider à la réflexion sur la valorisation de ce patrimoine qui, au sens symbolique, appartient à tous, l’Eglise de France initie les Etats généraux du Patrimoine religieux.

 

L’occasion est ainsi donnée de lancer une vaste enquête auprès de tous les diocèses du pays pour mieux connaître ce patrimoine dans sa diversité, mieux le protéger et mieux le valoriser pastoralement, culturellement et socialement. Une deuxième approche permettra également, durant les quinze mois que vont durer les Etats généraux, d’entendre largement « ceux qui savent et ceux qui font ». Comprenez : les professionnels de la protection patrimoniale, des représentants d’élus et de techniciens, mais aussi des porteurs d’initiatives dont la connaissance large pourrait profiter à un plus grand nombre encore pour faire vivre nos églises. Enfin, un riche calendrier permettra au cours de cette année et demie d’organiser des manifestations régulières de sensibilisation à la diversité des atouts de ce patrimoine.

 

De septembre 2023 à la réouverture de Notre-Dame de Paris en décembre 2024, le cœur du patrimoine français qu’est le patrimoine religieux va battre fort !

p. gautier mornas

Responsable du département Art sacré de la Conférence des évêques de France depuis 2019, le P. Gautier Mornas, prêtre du diocèse de Périgueux et Sarlat (24), est également le coordinateur national de La Nuit des églises. Il assure le secrétariat de coordination des Etats généraux du Patrimoine religieux.